vendredi 16 août 2013

Une délégation sioniste présente ses vues à la conférence de Versailles - par Paul GINIEWSKI


 

Paul GINIEWSKI

C'est le 27 février 1919 que [l'Organisation sioniste mondiale] fut invitée à présenter ses vues à la conférence de Versailles, plus précisément devant la "Réunion des ministres des puissances alliées et associées", ou Conseil des Dix, groupant les principales puissances du camp des vainqueurs : France, Grande-Bretagne, Italie, Etats-Unis et Japon.

Les thèses sionistes furent exposées par le Dr Haïm Weizmann, le président de l'Organisation sioniste et Nahum Sokolow, son "ministre des Affaires étrangères", les artisans de la déclaration Balfour, Menahem Ussischkin, le dirigeant des sionistes russes et André Spire (1860-1966), le poète français.

Les sionistes demandaient : la reconnaissance du droit historique du peuple juif sur la Palestine ; l'octroi du mandat à la Grande-Bretagne ; la création de conditions politiques, administratives et économiques propres à assurer l'établissement du Foyer national juif et sa transformation ultérieure en dominion autonome ; et la coopération d'un conseil représentatif des Juifs de Palestine et du judaïsme mondial, à l'organisation de l'immigration et de la mise en valeur des terres.

La participation d'une délégation sioniste aux travaux de Versailles provoqua une certaine sensation. Le Times de Londres, commentant la déposition d'Ussischkin, nota "qu'un des aspects les plus intéressants de la conférence, ce fut d'entendre un descendant des prophètes plaider pour son peuple dans la langue des prophètes". Les sionistes avaient en effet tenu à faire entendre l'hébreu à Versailles, devenue une véritable tour de Babel de langues et de costumes nationaux. C'était un événement et une manifestation politique.

Ils subirent d'ailleurs une contre-manifestation. De la part des Arabes ? De la par de Juifs antisionistes ! Le journaliste anglais Lucien Wolf et l'orientaliste français Sylvain Levy, dont les puissances avaient décidé, en toute objectivité, de recueillir les avis, plaidèrent en substance que le sionisme introduisait un ferment de décomposition dans le patriotisme de chaque Juif pris individuellement et inoculait au Moyen-orient les virus des idées révolutionnaires importé par les Juifs de l'Est européen. (...).

Mais le Conseil des Dix, qui comprenait Lloyd George, Arthur Balfour, le signataire de la fameuse déclaration, Stephen Pichon, Woodrow Wilson et Robert Lansing, prêta aux sionistes une oreille plus qu'attentive. Quand Haïm Weizmann définit le sionisme comme "la reconstruction d'une nation juive, aussi juive que les Français sont français et les Anglais anglais", on entendit un murmure approbatif. C'est dans un silence glacial qu'avaient été écoutés, et visiblement peu suivis, Lucien Wolf et Sylvain Levy.

Et les Arabes ? Attaquaient-ils de front les prétentions sionistes ? Revendiquaient-ils la Palestine à l'unanimité ? Nullement !

Dans son mémoire, soumis à la conférence de Versailles le 29 janvier 1919, la délégation du Hedjaz avait excepté la Palestine de sa revendication. Comparaissant devant le Comité des Cinq, le 6 février 1919, à la tête de sa délégation où figurait aussi le colonel Lawrence, l'émir Fayçal, le leader de l'arabisme, déclara qu'il "laisserait en-dehors la Palestine, dont toutes les parties intéressées auraient à discuter" (1). 

La délégation syrienne, entendue le 13 février, fut plus explicite encore : "La Palestine, dit Chekri Ganem, est incontestablement la partie méridionale de la Syrie. Les sionistes la revendiquent. Nous avons trop souffert de souffrances semblables aux leurs pour ne pas leur ouvrir largement les portes... Qu'ils s'établissent en Palestine, mais dans une Palestine liée à la Syrie par les seuls liens d'une fédération. S'ils y forment la majorité, ils seront les maîtres" (2).

Et l'émir Fayçal, dans une lettre du 6 mars 1919 à Félix Frankfurter, un membre américain de la délégation sioniste à versailles, avait souscrit aux quatre points de la proposition sioniste : Notre délégation les connaît exactement et les regarde comme modérés et bien fondés".


Extrait de : Paul GINIEWSKI, Préhistoire de l'Etat d'Israël, Editions France-Empire, 1997, pp. 225-226 




(1) Documents relating to the MacMahon letters, Jewish Agency, Londres, 1939, p. 10

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