Le conflit israélo-palestinien est-il insoluble ? - par Emmanuel NAVON (Neuilly - octobre 2010)
La vidéo de la conférence tenue par Emmanuel Navon peut être visionnée sur le site Akadem
(Emmanuel NAVON)
Cela fait 17 ans que nous négocions, que nous alternons entre les
négociations et la violence, mais force est de constater que le
conflit entre Israël et les Palestiniens n’est toujours pas
résolu. Et la question est de savoir s’il est soluble ou pas.
Est-ce qu’il s’agit d’un problème de méthode comme l’a
récemment affirmé le Président Sarkozy ou bien s’agit-il tout
simplement d’un conflit qui est insoluble ?
Je crois qu’après 17 ans de négociations qui ont, il
faut bien le dire, abouti jusqu’à présent à des échecs, je
crois qu’il est temps de se poser la question. Comme vous le savez,
l’administration américaine a récemment relancé les négociations
entre Israël et l’Autorité palestinienne mais ces négociations
sont déjà bloquées et les deux parties s’accusent mutuellement
du blocage. Et donc, est-ce qu’il faut encore continuer comme ça
pendant 17 ans, 30 ans, 50 ans, ou bien est-ce qu’il faut songer
peut-être à une autre direction ? Y a-t-il une autre
direction ?
C’est pour tenter de répondre à cette question que je suis là
ce soir, et puisque nous sommes en France, essayons le doute
cartésien. Puisque nous sommes dans une synagogue, poussons la
logique dans ses derniers recoins comme le fait le Talmud.
Et commençons par les idées reçues, je cite les plus connues :
"tout le monde sait quelle est la solution au conflit", "le
statu quo est intenable, donc il faut une solution", "sans
un Etat palestinien, Israël deviendra un Etat binational dans dix
ans", je cite les idées reçues bien sûr, "la
colonisation est un obstacle à la paix", "Israël est le
plus fort, donc c’est à Israël de faire un geste", "Israel
Beiteinou est un parti d’extrême-droite et si Nethanyahu le
remplace par Kadima, il pourra faire la paix". La liste est
beaucoup plus longue mais je m’arrête là, vous connaissez sans
doute cette liste, elle vous est familière.
Maintenant, je pose les questions suivantes : d’abord, si
tout le monde sait quelle est la solution, comment se fait-il que
personne ne parvienne à résoudre le problème ? Deuxièmement,
si le statu quo est intenable, comment se fait-il qu’il tienne
depuis un siècle ? Et depuis quand avons-nous une solution à
tous les problèmes ? Est-ce que l’homme a réussi à
éradiquer toutes les maladies, à faire disparaître la pauvreté, à
mettre fin à la guerre ? Ensuite, cela fait maintenant de puis
plus de 40 ans qu’on entend dire qu’Israël deviendra un Etat
binational dans 10 ans alors même que la croissance démographique
juive ne cesse d’augmenter. Si la colonisation est un obstacle à
la paix, comment se fait-il qu’il n’y avait pas de paix avant que
la première colonie n’ait été construite et comment se fait-il
que la bande de Gaza a intensifié sa guerre contre Israël après le
démantèlement de toutes les colonies israéliennes ? En quoi
Israël, un pays de 7 millions d’habitants, entouré par 300
millions d’Arabes et menacé par un Iran nuclaire est-il le plus
fort ? En quoi le parti Israël Beiteinou qui est en faveur de
la création d’un Etat palestinien et qui se veut le fer de lance
de la laïcité en Israël est-il un parti d’extrême-droite ?
Et enfin, s’il suffit de faire entrer Kadima au gouvernement pour
avoir la paix, comment se fait-il que le gouvernement dirigé par
Kadima entre 2006 et 2009 ait déclenché deux guerres, la deuxième
guerre du Liban et l’opération Plomb Durci et n’ait pas réussi à
conclure un accord de paix avec les Palestiniens ?
C’est peut-être parce que les contrevérités sont devenus des
idées reçues que la théorie ne cesse d’être contredite par la
réalité. Le but de ma conférence ce soir est de remettre en
cause les idées reçues mais surtout d’offrir une alternative à
la pensée unique et d’ouvrir une porte de sortie à une solution
qui semble, qui semble sans issue.
REMETTRE EN CAUSE LES IDEES RECUES : UNE STRATEGIE PALESTINIENNE DE REJET DES PLANS DE PAIX
On entend souvent dire que revenir au statu quo ante de 1967
résoudra le conflit entre Israël et les Palestiniens. Je vous
rappelle qu’il n’y avait pas de paix entre Israël et les
Palestiniens avant 1967. Et c’est la raison pour laquelle le
conflit n’est toujours pas résolu, et qu’il ne le sera pas tant
que les écoles et la télévision de l’Autorité palestinienne
continueront d’enseigner que Haïfa, Jaffa et Ashkelon sont des
villes occupées et que les sionistes sont des étrangers qui doivent
être chassés de Palestine. (...). Alors même que la plupart des
Israéliens sont prêts à revenir plus ou moins à 1967 comme le
demande la communauté internationale. Le problème est que les
Palestiniens, eux, veulent revenir à 1947, c’est-à-dire avant la
création de l’Etat d’Israël, et avant la naissance du problème
des réfugiés. Et c’est la raison pour laquelle toutes les
propositions de partage et de compromis entre Juifs et Arabes ont été
acceptées par les Juifs et rejetées par les Arabes à 6 reprises :
En 1937, au moment de la commission Peel
En 1947, au moment du partage de l’ONU
En 1979 au moment des accords de Camp David
En juillet 2000 au moment du sommet de Camp David
En décembre 2000 au moment de la proposition Clinton
En septembre 2008 avec la proposition d’Ehud Olmert.
Et je vous rappelle que la dernière proposition en date, celle
d’Ehud Olmert, avait accepté :
1°) l’établissement d’un Etat palestinien sur la totalité
des territoires,
2°) le partage de Jérusalem
3°) l’internationalisation du Mont du Temple
4°) l’acceptation de certains réfugiés palestiniens en Israël
sur la base de réunifications familiales.
Et non seulement Mahmoud Abbas a dit non à ce que tout le monde
dit être la solution que tout le monde connaît, mais il a déclaré
en mai 2009 au journal Washington Post que le fossé entre ce qu’a
proposé Ehud Olmert et ce que les Palestiniens sont prêts à
accepter est, je cite, "énorme".
Et, par ailleurs, l’évolution de la société palestienne ces
dernières années, ne laisse pas optimiste sur ce "fossé
énorme" puisque la société palestinenne est une société qui
se radicalise et qui s’islamise. Je vous rappelle que le Hamas a
gagné les élections législatives de janvier 2006. Je me souviens
encore jusqu’à aujourd’hui que la veille, littéralement la
veille de ces élections, le Premier ministre israélien de l’époque,
Ehud Olmert, avait lancé un appel public aux Palestiniens en leur
disant qu’Israël était prêt à faire les concessions nécessaires
pour arriver à la paix si les Palestiniens choisissaient des
dirigeants pragmatiques le lendemain, et la réponse le lendemain
était très claire : le Hamas a gagné les élections avec une
majorité énorme.
Donc les Palestiniens, c’est un fait historique, n’ont jamais
accepté, n’acceptent pas, et à mon avis n’accepteront jamais un
Etat juif souverain sur ce qu’ils considèrent être une terre
d’islam, et par conséquent même si Israël se retirait aux lignes
d’armistice de 1949, c’est-à-dire si Israël revenait au statu
quo ante de juin 1967, il n’y aura pas de paix. Et c’est la
raison pour laquelle il n’y avait pas de paix avant 1967 avec les
Palestiniens, et c’est la raison pour laquelle les Palestiniens ont
rejeté ces dernières années tous les plans de paix qui aurait
consisté en un retour avec quelques modifications à l’Israël
d’avant 1967. Je ne fais là que dire des faits. Je ne dis pas cela
pour des raisons idéologiques, la preuve c’est que j’ai soutenu
le processus d’Oslo en 1993 et j’ai fini par comprendre que je me
suis trompé.
D’abord, il y a eu le discours d’Arafat à Johannesburg le 23
mai 1994, dans lequel il compara les accords d’Oslo au pacte de
Hudaybiya signé entre Mohamed et les Quraych de la Mecque,
c’est-à-dire un traité temporaire signé de mauvaise foi et en
position de faiblesse uniquement pour mieux vaincre l’ennemi dans
l’avenir.
Ensuite, il y a eu cette interview de l’ancien député arabe à
la Knesset Azmi Bishara, au journal Haaretz le 29 mai 1998, dans
lequel il dit explicitement qu’Israël n’obtiendra jamais la paix
en revenant à 1967 mais uniquement en revenant à 1947. Autrement
dit, que les Arabes ne laisseront Israël tranquille que lorsque
Israël aura cessé d’exister...
Enfin, bien entendu, cette interview de Fayçal Husseini, ce
soi-disant modéré de l’OLP dans le journal égyptien Al-Arabi le
24 juin 2001, dans lequel il admet ouvertement et explicitement, je
le cite, que les accord d’Oslo, n’étaient qu’un cheval de
Troie pour détruire Israël de l’intérieur.
La liste est beaucoup plus longue et il ne s’agit pas là de
simples déclarations mais bien d’une stratégie qui s’est
traduite dans les faits lorsque Arafat rejeta les propositions de
Camp David en juillet 2000 et les propositions Clinton en décembre
2000 et lorsqu’il déclencha une guerre terroriste et une campagne
médiatique internationale contre Israël. On aurait pu penser qu’il
s’agissait d’un problème de leadership. Mais le fait est,
comme je l’ai dit, que Mahmoud Abbas, a rejeté lui aussi le plan
Olmert de septembre 2008, un plan qui, je le répète, consistait en
l’établissement d’un Etat palestinien sur tous les territoires,
la division de Jérusalem et l’acceptation de réfugiés
palestiniens par Israël.
Même Benny Morris, un historien israélien qui s’est fait
connaître il y a un peu plus de 20 ans pour ses écrits très
critiques à l’égard d’Israël et pour son militantisme en
faveur de la paix, s’est rendu aujourd’hui à l’évidence. Si
nous voulons maintenir un Etat juif souverain même dans ses
frontières d’avant 1967, eh bien nous devrons semble-t-il nous
battre pour toujours. Et en disant cela bien entendu, vous vous
mettez automatiquement au banc de la société bien-pensante et des
cercles politiquement corrects. D’ailleurs Benny Morris se compare
à Albert Camus. Il dit que de la même manière que Camus a fait
passer sa mère avant ses idéaux au moment de la guerre d’Algérie,
eh bien Morris aujourd’hui dit qu’il fait passer la survie de son
peuple avant les idéaux de la paix.
Mais ce n’est pas seulement qu’en disant la vérité vous êtes
automatiquement excommuniés comme hérétique par le culte de la
paix, on vous demande et à juste titre, ce que vous proposez. C ’est
une excellente question et il est temps d’y répondre avec
franchise.
La raison pour laquelle beaucoup de gens en Israël et dans le
monde continuent d’essayer une solution qui ne cesse d’échouer,
est qu’ils ne peuvent pas se résoudre à l’idée qu’il n’y a
pas de solution. Ils préfèrent se mentir à eux-mêmes plutôt que
de faire face à une réalité terrifiante. Pourquoi une réalité
terrifiante ? Parce que, disent-ils, si Israël ne fait rien et
laisse perdurer le statu quo, nous finirons par devenir un Etat
binational et c’en sera fini du projet sioniste. Donc il faut la
paix.
Mais il s’agit là d’un raisonnement sophiste. Ce n’est pas
parce que le statu quo est menaçant pour Israël que la paix est
possible. Les Israéliens qui supplient les Palestiniens de signer un
accord de paix à n’importe quel prix pour sauvegarder Israël
comme Etat juif commettent à mon avis une grave erreur de jugement.
Pourquoi ? Parce que le cauchemar d’Israël est le rêve des
Palestiniens. Eux veulent que le statu quo perdure pour que la
démographie arabe entre la Méditerranée et le Jourdain leur
permette à long terme d’en finir avec Israël et d’appliquer le
modèle sud-africain. Et c’est la raison pour laquelle les
Palestiniens ne sont pas pressés et jouent la carte du temps.
Pourquoi voulez-vous qu’ils nous sauvent du piège qu’ils nous
ont eux-mêmes tendu ? C’est ce que beaucoup d’Israéliens
ne comprennent pas ou font semblant de ne pas comprendre. Ceux qui
disent qu’il faut un accord de paix pour sauver Israël attendent
en fait des Palestiniens qu’ils collaborent avec le projet
sioniste. C’est à la fois naïf et absurde.
Donc d’un côté la paix est impossible, et d’un autre côté
le statu quo est intenable. C’est ce qui s’appelle en anglais un
catch twenty-two, c’est-à-dire une situation sans issue quel que
soit le choix que nous faisons. Mais en réalité, la situation n’est
pas sans issue.
Nous n’avons pas besoin de la paix pour mettre fin au statu quo.
De la même manière qu’Israël n’a pas eu besoin de
l’approbation des Palestiniens et d’un accord de paix pour se
débarrasser de la bande de Gaza, Israël n’a pas besoin de
l’approbation des Palestiniens et d’un accord de paix pour
neutraliser la pression démographique palestinienne. Israël,
théoriquement, peut se séparer unilatéralement de l’Autorité
palestinienne en terminant la construction de la barrière de
séparation commencée en 2003, en annexant les blocs israéliens de
peuplement et en démantelant les villages juifs isolés. Une telle
politique comporte évidemment un risque sécuritaire puisque de
l’autre côté du mur émergera évidemment une entité militarisée
comme la bande de Gaza mais Israël a les moyens technologiques et
militaires pour faire face à cette menace. En revanche, Israël n’a
pas de réponse à la menace démographique en-dehors de la
séparation unilatérale. C’est un scénario qui ne me réjouit pas
mais, honnêtement, je n’y vois pas d’alternative. Si ce scénario
à mon avis inévitable se réalise, Israël ne vivra pas en paix,
mais israël vivra. C’est l’essentiel. Et comme l’a prouvée
l’expérience de ces 60 dernières années, Israël peut réussir
malgré l’absence de paix. Et ce n’est pas seulement ça, mais
j’affirme que ce n’est pas l’économie israélienne qui a
besoin de la paix, c’est la paix qui a besoin de l’économie
israélienne.
Qu’est-ce que je veux dire ? Israël a doublé la taille de
son économie et accru sa population par cinq tout en menant six
guerres. C’est un phénomène inconnu dans l’histoire économique
du monde. Israël a la plus grande quantité et densité de start-up
au monde, il y a plus de sociétés israéliennes cotées au Nasdaq
que de sociétés européennes. Après les Etats-Unis, Israël a plus
de sociétés cotées au Nasdaq que n’importe quel pays au monde
dont la Chine et l’Inde. Qu’est-ce que je veux dire par là ?
Que le rapport entre la paix et la croissance économique n’est pas
du tout aussi simple et linéaire qu’on ne le pense. Et je
crois que le cas d’Israël est là pour le prouver. Puisque l’armée
israélienne, du fait de ses investissements dans la recherche et le
développement militaire, a produit des percées scientiques avec des
applications civiles mais également des ingénieurs de haut niveau
qui sont devenus des entrepreneurs après avoir quitté l’uniforme.
ce n’est pas un hasard si les star-up israéliennes les plus
performantes ont été fondées par de jeunes Israéliens qui ont
acquis leurs connaissances technologiques, leurs réseaux sociaux et
leur force de caractère dans l’armée. Le géant du software
Checkpoint est un exemple parmi d’autres de ce phénomène. Et même
l’impact de la guerre sur la croissance économique ne va pas de
soi. Entre l’année 2000 et l’année 2006, c’est-à-dire
pendant qu’Israël menait une guerre sur le front de l’intifada,
de la seconde intifada et la deuxième guerre du Liban, eh bien c’est
pendant cette période que les investissements étrangers directs en
Israël ont triplé. Et c’est pendant cette période que la part de
l’économie israélienne dans le marché global du capital-risque a
doublé. Et c’est en pleine guerre du Liban, en été 2006,
que le célèbre investisseur américain Warren Buffet a acheté la
société israélienne Iscar pour 4,5 milliards de dollars (c’est
son premier investissement en-dehors des Etats-Unis et il ne l’a
jamais regretté).
Donc la paix n’est pas une condition nécessaire et certainement
pas suffisante pour assurer la croissance de l’économie
israélienne. Cette croissance a été assurée jusqu’à présent
parce qu’Israël a su tourner ses désavantages, dont l’absence
de paix, en avantage. Par exemple, c’est parce qu’israël manque
d’eau que la technologie israélienne est devenue un leader mondial
dans l’irrigation au goutte à goutte et dans les techniques de
dessalinisation. C’est parce que de Gaulle a imposé un embargo
militaire après la Guerre des Six Jours qu’Israël a développé
une industrie militaire de pointe qui elle-même est devenue
l’incubateur de la haute technologie israélienne. Et c’est
parce que l’économie israélienne souffre à la fois d’un marché
intérieur minuscule et d’un environnement hostile qu’elle s’est
tournée vers le marché international avec une haute valeur ajoutée.
Et donc, c’est l’innovation et l’excellence technologique qui,
en dernière analyse, sont au coeur du miracle économique
israélien. A cela, bien sûr, il faut ajouter les réformes
économiques nécessaires et courageuses qui ont été mises en place
en 1985 par Shimon Peres lorsqu’il était Premier ministre et en
2003 par Benyamin Nethanyahu lorsqu’il était ministre des
Finances. Ce sont deux vagues de réformes qui ont, en
privatisant et en libéralisant l’économie israélienne, lui ont
rendu son potentiel de croissance.
En revanche de l’autre côté, on dit toujours que le temps joue
contre nous, je veux bien regarder les données, quand on regarde
dans le monde arabe, eh bien on a une image très différente. Avec
une population totale de 300 millions d’habitants, le monde arabe
exporte moins, évidemment si on enlève le pétrole, que la Finlande
qui compte 5 millions d’habitants. Entre 1980 et 2000, l’Egypte a
déposé 77 brevets scientifiques, la Syrie 20, la Jordanie 15,
Israël 7652. Evidemment, il y a plusieurs explications à ce
phénomène. Je pense que l’une de ces explications, est que le
pétrole que l’on considère être une manne pour le monde arabe,
est une malédiction pour le monde arabe. Pourquoi ? Parce que
le monde arabe fournit presque le tiers de la production mondiale de
pétrole et a bénéficié d’une croissance exponentielle de la
demande en provenance de la Chine et de l’Inde ces dix dernières
années. Encore une fois, on pourrait y voir une bénédiction, mais
en réalité il s’agit pour le monde arabe lui-même d’une
malédiction que les économistes appellent la malédiction des
ressources naturelles. Pourquoi la malédiction des ressources
naturelles en particulier dans le domaine pétrolier ? Parce que
les revenus pétroliers sont le plus grand obstacle à la croissance
économique et à la liberté politique. Pourquoi ? Parce que le
pétrole crée des économies rentières qui découragent
l’innovation, qui découragent la productivité et la
diversification, et qui achètent le soutien politique au lieu de le
mériter. Et ça n’est pas un hasard si ce sont les revenus
pétroliers de la dernière décennie qui ont permis à Poutine de
maintenir son pouvoir autoritaire en Russie et qui ont permis à
Chavez de transformer le Vénézuela en une autocratie. C’est
également à cause du pétrole que les Etats-Unis n’osent pas
parler de droits de l’homme à l’Arabie Saoudite et que la Chine
protège Khartoum et Téhéran au Conseil de sécurité de l’ONU.
Evidemment, le pétrole n’est pas la seule raison pour laquelle
le monde arabe n’est pas libre mais, mais on ne saurait manquer de
remarquer comme l’a d’ailleurs fait le célèbre journaliste
américain Thomas Friedmann que le seul pays arabe qui a commencé à
se libéraliser ces dernières années, est le premier pays arabe
dans lequel l’épuisement imminent des ressources pétrolifères a
été démontré, comme par hasard, ce pays c’est le Bahreïn. Même
chose sur le plan économique : les économistes américains
Jeffrey Sachs et Andrew Warner ont montré dans une étude empirique
de 97 pays sur une période de près de deux décennies entre
1971 et 1989 que les pays riches en ressources naturelles ont une
croissance économique plus faible que les pays qui n’ont pas ou
peu de ressources naturelles. Le Nigéria par exemple a vendu 223
milliards de dollars de pétrole entre 1999 et 2007mais 70 % des
Nigériens vivent avec moins de 1 dollar par jour. Et l’économie
nigérienne est corrompue, elle n’est pas du tout diversifiée. La
preuve, c’est que 90 % des exportations du Niégéria sont
constituées de pétrole. Donc le pétrole est effectivement une
malédiction et avant tout pour les pays exportateurs. Et je crois
que mettre fin à cette malédiction peut contribuer, peut contribuer
à la libéralisation politique et à la croissance économique du
monde arabe.
Et c’est là qu’Israël a un rôle important à jouer pour
améliorer les chances de paix en mettant fin au monopole du
pétrole. La question bien entendu est de savoir si le rôle du
pétrole dans l’économie mondiale est une fatalité. Et la réponse
est non. Le pétrole aujourd’hui jouit d’un monopole dans les
moyens de transport qu’ils soient aériens, terrestres ou maritimes
et c’est à cause de ce monopole que l’économie mondiale est
étroitement liée aux cours du pétrole et que les Etats-Unis ont
mené deux guerres en Irak. Mais le monopole des ressources
pétrolières ou des ressources naturelles peut être brisé. Je vous
rappelle qu’avant l’invention des boîtes de conserves et la
réfrigération, le sel jouissait d’un monopole mondial pour la
préservation de la nourriture. Et le contrôle du sel était la
cause de guerres et le cours du sel déterminait les fluctuations de
l’économie mondiale.
De même que la science a brisé le monopole du sel, elle peut
briser le monopole du pétrole. Ce monopole peut être brisé
aujourd’hui grâce à l’usage de l’électricité et des
biocarburants dans les transports. L’usage des biocarburants es ten
train de se répandre dans les transports maritimes et aériens (je
sais qu’il y a une controverse autour des biocarburants mais on
n’est pas là pour en parler mais c’est simplement pour dire que
cette controverse est en train de perdre sa pertinence parce que,
avec ce qu’ion appelle la deuxième génération de
biocarburants en particulier ceux produits par les microalgues, la
contriverse est en train de perdre de sa pertinence et Israël est un
leader mondial dans ce domaine). Mais dans le domaine des transports
terrestres, l’électricité sera la réponse du futur tout
simplement parce que les transports terrestres sont moins longs que
les transports maritimes et aériens. Rappelons
qu’historiquement les premières voitures étaient des voitures
électriques mais ce sont les voitures à essence qui se sont
répandues parce que ça prenait trop de temps de recharger les
batteries électriques des voitures et que les distances parcourues
étaient trop courtes. Mais là aussi le problème de la distance et
du temps de rechargement a récemment été résolu par le
partenariat de la socitété Better Place et Renault -Nissan ;
d’abord, un chargement complet permettra de parcourir plus de
200 km mais surtout, des stations de remplacement des batteries
seront répandues comme les stations essence et ça prendra moins de
temps de remplacer la batterie que de faire le plein [ de carburant].
Et le coût de la batterie ne sera pas ressenti par le client puisque
la batterie appartiendra à la société. Donc ce modèle
révolutionnaire n’est pas utopique, il est en train d’être mis
en place aux Etats-Unis et en Australie, au Danemark et en Israël.
Et encore une fois, l’idée de cette société est une idée d’un
entrepreneur israélien nommé Shai Agassi.
Donc la technologie israélienne peut contribuer à mettre fin au
monopole du pétrole comme elle est en train de le faire et je pense
que le jour où le monople du pétrole aura été brisé, les pays
arabes exportateurs de pétrole n’auront d’autre choix que d’être
plus innovants, plus productifs et d’être politiquement plus
pragmatiques.
Mais il ne faut pas se tromper : le futur d’Israël ne
dépend pas uniquement de succès économiques et matériels. Il
dépend aussi et peut-être avant tout d’un retour aux sources
identitaires et de ce que j’appelle une seconde révolution
sioniste.
De quoi je veux parler ? Prenez le fait par exemple que
récemment, le gouvernement israélien, comme vous le savez, a soumis
un projet de loi exigeant des citoyens naturalisés de faire un
serment d’allégeance à Israël comme Etat juif et démocratique.
Je pense que le simple fait que le gouvernement ait soumis cette loi
au gouvernement prouve que le fait qu’Israël est un Etat juif ne
va pas de soi. Imaginez si la France, demain, faisait passer une loi
disant que la France est un Etat français ou que le Japon faisait
passer une loi disant que le Japon est un Etat japonais. C’est
évident. Evidemment, Israël n’est pas le seul pays dans le monde
dans lequel il existe un débat sur l’identité nationale. Je n’ai
pas besoin de vous expliquer, vous savez mieux que moi qu’il y a un
tel débat en France depuis quelques mois et c’est un débat
houleux.
Et je crois que pour comprendre ce débat, il faut revenir 40 ans
en arrière au moment de la Guerre des Six Jours. Lorsque Tsahal
libéra Jérusalem et le Mont du Temple, le commandant des troupes
parachutistes ,Motta Gur, prononça sur les ondes de la radio cette
phrase qui est devenue éternelle : "le Mont du Temple est
entre nos mains". Sur le coup, les Israéliens furent saisis
d’émotion. Ceux qui eurent le privilège d’entendre cette
phrase, furent les témoins vivants du retour à Sion après 2000 ans
d’exil. Mais en réalité, les réactions furent partagées. D’un
côté, vous aviez l’aumônier de Tsahal, le rav Shlomo Goren, qui
sonna le Chofar au Kotel, au Mur des Lamentations. Et de l’autre
côté vous aviez la réaction de Moshe Dayan, qui était alors
ministre de la Défense, et qui se demanda à haute voix en
contemplant le Mont du Temple depuis Harat Sofim, le mont Scopus, je
cite : "Mais qu’est-ce qu’on a besoin de tout ce
Vatican ?" Je prends ces deux réactions en exemple parce
que ce sont deux réactions qui résument deux approches complètement
différentes de ce qu’est la signification du sionisme.
Pour Shlomo Goren, le sionisme c’était tout simplement la
réalisation de la promesse divine, biblique, la rédemption
d’Israël, et la continuité de l’histoire juive. Tandis que pour
Moshe Dayan, le sionisme c’était tout simplement une réponse au
phénomène de l’antisémitisme et également une rupture avec
l’histoire juive. Je vous rappelle que le but du sionisme
socialiste des pères fondateurs était bien de mettre fin à la
définition religieuse de l’identité juive et de redéfinir cette
identité en termes purement ethniques, laïcs et culturels. Et bien
que ces deux approches soient effectivement contradictoires, elles
ont quand même une chose en commun : toutes deux partent du
principe que les Juifs constituent un peuple à part entière et donc
qu’ils ont droit à l’autodétermination comme tout autre peuple
et comme c’est reconnu par le droit international.
Dès le début Herzl a eu des opposants juifs de tous bords, en
particulier auprès des intellectuels juifs allemands qui ne
voulaient pas entendre de nationalisme juif. L’un d’entre eux
était le philosophe Martin Buber, qui a fini par quitter l’Allemagne
cinq ans après l’accession des nazis au pouvoir, et qui s’est
installé à Jérusalem, où il devint professeur à l’Université
hébraïque. Martin Buber était fermement opposé à l’établissement
d’un Etat-nation juif. Il militait pour l’établissement d’un
Etat binational entre Juifs et Arabes. Vous me direz que Marin Buber
était minoritaire à l’épque, mais il n’était pas le seul et
son rôle était important puisque c’est lui qui, avec ses
collègues de l’époque, en particulier le président de
l’Université hébraïque de Jérusalem, à l’époque Yehuda
Magnes, qui a façonné le système universitaire israélien. Et
l’influence des Juifs allemands à l’époque dans le Yichouv, ce
qu’on appelle la communauté juive du mandat britannique, n’était
pas limitée aux universités puisqu’ils constituaient en réalité
l’élite intellectuelle du Yichouv et ils sont devenus influents
également à la Cour suprême et dans les médias. Le premier
président de la Cour suprême, Moshe Zmora, était un pur produit du
système universitaire allemand. Quant aux média, c’est l’homme
d’affaires Zalman Shockel qui racheta le journal Haaretz en 1937,
et qui nomma son fils Gershom rédacteur en chef en 1939, poste qu’il
a gardé jusqu’à sa mort en 1990. Et qui aujourd’hui est occupé
par son fils Amos. Mais cette trilogie de l’élite intellectuelle
israélienne Université-Médias-Cour suprême était donc à
l’origine culturellement allemande et politiquement universaliste.
Quant au leadership national du Yichouv à l’époque, et ensuite de
l’Etat d’israël, il était nationaliste, socialiste et laïc. Il
y avait une espèce de guerre de pouvoir entre Juifs allemands et
Juifs russes alors même que le peuple lui-même, en particulier le
peuple issu de l’aliya orientale, était exclu des centres du
pouvoir.
Et la tragédie d’Israël aujourd’hui est que les universités,
le journal Haaretz et la Cour suprême sont contrôlés par une toute
petite élite qui est héritière intellectuellement de ces Juifs
allemands, universalistes, et que cette élité aujourd’hui en
Israël est de plus en plus postsioniste, voire antisioniste. Et
cette élite a une influence énorme sur la vie politique et
culturelle du pays. Et le postsionisme et l’antisionisme ne sont
plus du tout en Israël des mouvements marginaux. malheureusement, la
liste est très longue, mais juste pour vous montrer jusqu’où
c’est arrivé aujourd’hui, vous avez un ancien président de la
Knesset, et de l’Agence juive, Avraham Burg, qui passe son temps à
militer, à militer pour mettre fin à l’existence d’Israël
comme Etat-nation juif entre autres en annulant la loi du Retour. En
France, vous connaissez sans doute ce professeur à l’université
de Tel-Aviv Shlomo Sand qui fait le tour du monde pour dire qu’il
n’y a pas du tout de peuple juif et qu’en fait s’il n’y a pas
de peuple juif, il ne faut pas d’Etat juif, il n’y a aucune
raison d’avoir un Etat pour un peuple qui n’existe pas. Ou dans
les média, dans le journal Haaretz, vous avez ce journaliste Gideon
Lévy qui écrit des articles qui regorgent de haine, de haine à
l’égard d’Israël. Et bien entendu, la liste est beaucoup plus
longue mais ça n’est pas mon propos.
Mon propos, c’est que si Israël aujourd’hui est en danger, ça
n’est pas seulement à cause de l’Iran, ça n’est pas seulement
à cause du Hezbollah, ça n’est pas seulement à cause du Hamas,
mais c’est surtout et avant tout à cause de nos ennemis de
l’intérieur. Et une partie grandissante de l’élite
intellectuelle du pays fait tout pour délégitimer l’Etat juif pas
seulement envers l’opinion internationale, mais aussi envers
l’opinion israélienne. Et c’est là que le combat doit être
mené si nous voulons assurer le futur d’Israël. La tâche peut
paraître énorme mais je pense que si nous avons réussi à
reconstruire notre pays envers et contre tout, j’imagine que nous
pouvons le défendre, le préserver et le faire progresser envers et
contre tout. Je suis optimiste.
Je suis optimiste parce que de plus en plus d’Israéliens se
révoltent contre le terrorisme intellectuel des postsionistes et des
antisionistes. D’abord, bonne nouvelle, le cartel
journalistique Haaretz-Yedioth Ahronoth-Maariv a été récemment
brisé par un nouveau journal qui s’appelle Israël Hayom, qui
est fièrement sioniste, et qui est de plus en plus lu. Ensuite vous
avez ce groupe satirique Latma qui fait des pieds de nez aux média
israéliens et qui s’est rendu célèbre au moment de la flotille,
si vous avez vu sur YouTube avec sa parodie de "We are the
world" que je recommande fortement si vous ne l’avez pas
encore vue. Mais surtout, il y a ce mouvement qui s’appelle Im
Tirtsou, qui a été formé par des étudiants et des soldats de
réserve après la seconde guerre du Liban, et qui est en train de
faire la révolution en Israël. La révolution sioniste. Une révolte
contre le postsionisme et l’antisionisme rampants. C’est par
exemple Im Tirtsou qui a révélé récemment que c’est un fonds
israélien qui s’appelle Keren Khadasha Israël (?) qui a financé
toutes les organisations qui ont témoigné contre Israël dans le
rapport Goldstone. C’est un fonds israélien. C’est Im Tirtsou
qui a rendu public le fait que 80 % des professeurs du
département de sciences politiques de l’université de ben
Gourion, de Ben Gourion à Beersheva, ont tous signé des pétitions
pour en appeler au boycott international d’Israël. Et vont dans le
monde entier pour donner des cours qui disent qu’Israël est un
Etat d’apartheid etc. Ces gens sont financés par le contribuable
israélien et par des donateurs juifs américains, européens,
français etc. C’est Im tirtsou qui rappelle au peuple d’Israël
qu’il faut se réveiller en répétant la phrase de Herzl :
"Si vous le voulez, ça n’est pas un rêve". Et
personnellement j’ai décidé de m’engager auprès de cette
association héroïque et lui apporter le soutien des Juifs de la
diaspora. J’y vois une mission d’intérêt national juif, et je
vous invite à vous y joindre vous aussi.
(...)
Le droit du peuple juif à la terre d’Israël est inébranlable puisque nous avons un titre de propriété notarié (...). Je vous rappelle qu’Avraham a acheté, a payé pour le tombeau de Sarah alors même que la terre de Canaan lui avait été promise. Les Juifs de notre génération ont payé avec leur vie, avec leur sacrifice et avec leur travail pour construire leur pays. Et personne n’est en droit de nous retirer ce qui nous appartient et ce que nous méritons.
Il faut être courageux, avoir de l’audace et avoir la foi.
C’est ce qu’a fait Rebecca lorsqu’elle a accepté de quitter sa
famille pour aller épouser Isaac, ce qui était à l’époque
l’autre bout du monde, alors qu’elle ne le connaissait ni d’Eve
ni d’Adam. Elle savait que sa décision était la bonne et elle a
eu le courage de franchir le Rubicon.
La réconciliation est possible puisque les frères ennemis
qu’étaient Isaac, ancêtre des Juifs, et ismaël, ancêtre des
Arabes, se sont retrouvés dans la dignité et la fraternité pour
enterrer leur père Abraham.
Le droit des Juifs à la terre d’Israël scellé par Abraham, la
foi dans l’avenir symbolisé par Rébecca, et la réconciliation
entre Isaac et Ismaël doivent nous servir d’exemple. Je crois
que si nous suivons ces trois exemples, peut-être pourrons-nous
servir nous-mêmes d’exemple à l’humanité et réaliser la
prophétie de Theodor Herzl : "le monde sera libéré par
notre liberté, enrichi par notre richesse et grandi par notre
grandeur".
Emmanuel Navon
Transcription par CS (ex Arthur Decaen sur le blog "Plaidoyer pour Israël")
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