mardi 6 août 2013

Le conflit israélo-palestinien est-il insoluble ?


Le conflit israélo-palestinien est-il insoluble ? - par Emmanuel NAVON (Neuilly - octobre 2010)




La vidéo de la conférence tenue par Emmanuel Navon peut être visionnée sur le site Akadem




(Emmanuel NAVON)



Cela fait 17 ans que nous négocions, que nous alternons entre les négociations et la violence, mais force est de constater que le conflit entre Israël et les Palestiniens n’est toujours pas résolu. Et la question est de savoir s’il est soluble ou pas. Est-ce qu’il s’agit d’un problème de méthode comme l’a récemment affirmé le Président Sarkozy ou bien s’agit-il tout simplement d’un conflit qui est insoluble ?

Je crois qu’après 17 ans de négociations qui ont, il faut bien le dire, abouti jusqu’à présent à des échecs, je crois qu’il est temps de se poser la question. Comme vous le savez, l’administration américaine a récemment relancé les négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne mais ces négociations sont déjà bloquées et les deux parties s’accusent mutuellement du blocage. Et donc, est-ce qu’il faut encore continuer comme ça pendant 17 ans, 30 ans, 50 ans, ou bien est-ce qu’il faut songer peut-être à une autre direction ? Y a-t-il une autre direction ?

C’est pour tenter de répondre à cette question que je suis là ce soir, et puisque nous sommes en France, essayons le doute cartésien. Puisque nous sommes dans une synagogue, poussons la logique dans ses derniers recoins comme le fait le Talmud.

Et commençons par les idées reçues, je cite les plus connues : "tout le monde sait quelle est la solution au conflit", "le statu quo est intenable, donc il faut une solution", "sans un Etat palestinien, Israël deviendra un Etat binational dans dix ans", je cite les idées reçues bien sûr, "la colonisation est un obstacle à la paix", "Israël est le plus fort, donc c’est à Israël de faire un geste", "Israel Beiteinou est un parti d’extrême-droite et si Nethanyahu le remplace par Kadima, il pourra faire la paix". La liste est beaucoup plus longue mais je m’arrête là, vous connaissez sans doute cette liste, elle vous est familière.

Maintenant, je pose les questions suivantes : d’abord, si tout le monde sait quelle est la solution, comment se fait-il que personne ne parvienne à résoudre le problème ? Deuxièmement, si le statu quo est intenable, comment se fait-il qu’il tienne depuis un siècle ? Et depuis quand avons-nous une solution à tous les problèmes ? Est-ce que l’homme a réussi à éradiquer toutes les maladies, à faire disparaître la pauvreté, à mettre fin à la guerre ? Ensuite, cela fait maintenant de puis plus de 40 ans qu’on entend dire qu’Israël deviendra un Etat binational dans 10 ans alors même que la croissance démographique juive ne cesse d’augmenter. Si la colonisation est un obstacle à la paix, comment se fait-il qu’il n’y avait pas de paix avant que la première colonie n’ait été construite et comment se fait-il que la bande de Gaza a intensifié sa guerre contre Israël après le démantèlement de toutes les colonies israéliennes ? En quoi Israël, un pays de 7 millions d’habitants, entouré par 300 millions d’Arabes et menacé par un Iran nuclaire est-il le plus fort ? En quoi le parti Israël Beiteinou qui est en faveur de la création d’un Etat palestinien et qui se veut le fer de lance de la laïcité en Israël est-il un parti d’extrême-droite ? Et enfin, s’il suffit de faire entrer Kadima au gouvernement pour avoir la paix, comment se fait-il que le gouvernement dirigé par Kadima entre 2006 et 2009 ait déclenché deux guerres, la deuxième guerre du Liban et l’opération Plomb Durci et n’ait pas réussi à conclure un accord de paix avec les Palestiniens ?

C’est peut-être parce que les contrevérités sont devenus des idées reçues que la théorie ne cesse d’être contredite par la réalité. Le but de ma conférence ce soir est de remettre en cause les idées reçues mais surtout d’offrir une alternative à la pensée unique et d’ouvrir une porte de sortie à une solution qui semble, qui semble sans issue.


REMETTRE EN CAUSE LES IDEES RECUES : UNE STRATEGIE PALESTINIENNE DE REJET DES PLANS DE PAIX

On entend souvent dire que revenir au statu quo ante de 1967 résoudra le conflit entre Israël et les Palestiniens. Je vous rappelle qu’il n’y avait pas de paix entre Israël et les Palestiniens avant 1967. Et c’est la raison pour laquelle le conflit n’est toujours pas résolu, et qu’il ne le sera pas tant que les écoles et la télévision de l’Autorité palestinienne continueront d’enseigner que Haïfa, Jaffa et Ashkelon sont des villes occupées et que les sionistes sont des étrangers qui doivent être chassés de Palestine. (...). Alors même que la plupart des Israéliens sont prêts à revenir plus ou moins à 1967 comme le demande la communauté internationale. Le problème est que les Palestiniens, eux, veulent revenir à 1947, c’est-à-dire avant la création de l’Etat d’Israël, et avant la naissance du problème des réfugiés. Et c’est la raison pour laquelle toutes les propositions de partage et de compromis entre Juifs et Arabes ont été acceptées par les Juifs et rejetées par les Arabes à 6 reprises :   

 En 1937, au moment de la commission Peel
- En 1947, au moment du partage de l’ONU
- En 1979 au moment des accords de Camp David
- En juillet 2000 au moment du sommet de Camp David
- En décembre 2000 au moment de la proposition Clinton
- En septembre 2008 avec la proposition d’Ehud Olmert.

Et je vous rappelle que la dernière proposition en date, celle d’Ehud Olmert, avait accepté :
1°) l’établissement d’un Etat palestinien sur la totalité des territoires,
2°) le partage de Jérusalem
3°) l’internationalisation du Mont du Temple
4°) l’acceptation de certains réfugiés palestiniens en Israël sur la base de réunifications familiales.

Et non seulement Mahmoud Abbas a dit non à ce que tout le monde dit être la solution que tout le monde connaît, mais il a déclaré en mai 2009 au journal Washington Post que le fossé entre ce qu’a proposé Ehud Olmert et ce que les Palestiniens sont prêts à accepter est, je cite, "énorme".

Et, par ailleurs, l’évolution de la société palestienne ces dernières années, ne laisse pas optimiste sur ce "fossé énorme" puisque la société palestinenne est une société qui se radicalise et qui s’islamise. Je vous rappelle que le Hamas a gagné les élections législatives de janvier 2006. Je me souviens encore jusqu’à aujourd’hui que la veille, littéralement la veille de ces élections, le Premier ministre israélien de l’époque, Ehud Olmert, avait lancé un appel public aux Palestiniens en leur disant qu’Israël était prêt à faire les concessions nécessaires pour arriver à la paix si les Palestiniens choisissaient des dirigeants pragmatiques le lendemain, et la réponse le lendemain était très claire : le Hamas a gagné les élections avec une majorité énorme.

Donc les Palestiniens, c’est un fait historique, n’ont jamais accepté, n’acceptent pas, et à mon avis n’accepteront jamais un Etat juif souverain sur ce qu’ils considèrent être une terre d’islam, et par conséquent même si Israël se retirait aux lignes d’armistice de 1949, c’est-à-dire si Israël revenait au statu quo ante de juin 1967, il n’y aura pas de paix. Et c’est la raison pour laquelle il n’y avait pas de paix avant 1967 avec les Palestiniens, et c’est la raison pour laquelle les Palestiniens ont rejeté ces dernières années tous les plans de paix qui aurait consisté en un retour avec quelques modifications à l’Israël d’avant 1967. Je ne fais là que dire des faits. Je ne dis pas cela pour des raisons idéologiques, la preuve c’est que j’ai soutenu le processus d’Oslo en 1993 et j’ai fini par comprendre que je me suis trompé.

D’abord, il y a eu le discours d’Arafat à Johannesburg le 23 mai 1994, dans lequel il compara les accords d’Oslo au pacte de Hudaybiya signé entre Mohamed et les Quraych de la Mecque, c’est-à-dire un traité temporaire signé de mauvaise foi et en position de faiblesse uniquement pour mieux vaincre l’ennemi dans l’avenir.
Ensuite, il y a eu cette interview de l’ancien député arabe à la Knesset Azmi Bishara, au journal Haaretz le 29 mai 1998, dans lequel il dit explicitement qu’Israël n’obtiendra jamais la paix en revenant à 1967 mais uniquement en revenant à 1947. Autrement dit, que les Arabes ne laisseront Israël tranquille que lorsque Israël aura cessé d’exister...
Enfin, bien entendu, cette interview de Fayçal Husseini, ce soi-disant modéré de l’OLP dans le journal égyptien Al-Arabi le 24 juin 2001, dans lequel il admet ouvertement et explicitement, je le cite, que les accord d’Oslo, n’étaient qu’un cheval de Troie pour détruire Israël de l’intérieur.

La liste est beaucoup plus longue et il ne s’agit pas là de simples déclarations mais bien d’une stratégie qui s’est traduite dans les faits lorsque Arafat rejeta les propositions de Camp David en juillet 2000 et les propositions Clinton en décembre 2000 et lorsqu’il déclencha une guerre terroriste et une campagne médiatique internationale contre Israël. On aurait pu penser qu’il s’agissait d’un problème de leadership. Mais le fait est, comme je l’ai dit, que Mahmoud Abbas, a rejeté lui aussi le plan Olmert de septembre 2008, un plan qui, je le répète, consistait en l’établissement d’un Etat palestinien sur tous les territoires, la division de Jérusalem et l’acceptation de réfugiés palestiniens par Israël.
Même Benny Morris, un historien israélien qui s’est fait connaître il y a un peu plus de 20 ans pour ses écrits très critiques à l’égard d’Israël et pour son militantisme en faveur de la paix, s’est rendu aujourd’hui à l’évidence. Si nous voulons maintenir un Etat juif souverain même dans ses frontières d’avant 1967, eh bien nous devrons semble-t-il nous battre pour toujours. Et en disant cela bien entendu, vous vous mettez automatiquement au banc de la société bien-pensante et des cercles politiquement corrects. D’ailleurs Benny Morris se compare à Albert Camus. Il dit que de la même manière que Camus a fait passer sa mère avant ses idéaux au moment de la guerre d’Algérie, eh bien Morris aujourd’hui dit qu’il fait passer la survie de son peuple avant les idéaux de la paix.
Mais ce n’est pas seulement qu’en disant la vérité vous êtes automatiquement excommuniés comme hérétique par le culte de la paix, on vous demande et à juste titre, ce que vous proposez. C ’est une excellente question et il est temps d’y répondre avec franchise.

La raison pour laquelle beaucoup de gens en Israël et dans le monde continuent d’essayer une solution qui ne cesse d’échouer, est qu’ils ne peuvent pas se résoudre à l’idée qu’il n’y a pas de solution. Ils préfèrent se mentir à eux-mêmes plutôt que de faire face à une réalité terrifiante. Pourquoi une réalité terrifiante ? Parce que, disent-ils, si Israël ne fait rien et laisse perdurer le statu quo, nous finirons par devenir un Etat binational et c’en sera fini du projet sioniste. Donc il faut la paix.

Mais il s’agit là d’un raisonnement sophiste. Ce n’est pas parce que le statu quo est menaçant pour Israël que la paix est possible. Les Israéliens qui supplient les Palestiniens de signer un accord de paix à n’importe quel prix pour sauvegarder Israël comme Etat juif commettent à mon avis une grave erreur de jugement. Pourquoi ? Parce que le cauchemar d’Israël est le rêve des Palestiniens. Eux veulent que le statu quo perdure pour que la démographie arabe entre la Méditerranée et le Jourdain leur permette à long terme d’en finir avec Israël et d’appliquer le modèle sud-africain. Et c’est la raison pour laquelle les Palestiniens ne sont pas pressés et jouent la carte du temps. Pourquoi voulez-vous qu’ils nous sauvent du piège qu’ils nous ont eux-mêmes tendu ? C’est ce que beaucoup d’Israéliens ne comprennent pas ou font semblant de ne pas comprendre. Ceux qui disent qu’il faut un accord de paix pour sauver Israël attendent en fait des Palestiniens qu’ils collaborent avec le projet sioniste. C’est à la fois naïf et absurde.

Donc d’un côté la paix est impossible, et d’un autre côté le statu quo est intenable. C’est ce qui s’appelle en anglais un catch twenty-two, c’est-à-dire une situation sans issue quel que soit le choix que nous faisons. Mais en réalité, la situation n’est pas sans issue.

Nous n’avons pas besoin de la paix pour mettre fin au statu quo. De la même manière qu’Israël n’a pas eu besoin de l’approbation des Palestiniens et d’un accord de paix pour se débarrasser de la bande de Gaza, Israël n’a pas besoin de l’approbation des Palestiniens et d’un accord de paix pour neutraliser la pression démographique palestinienne. Israël, théoriquement, peut se séparer unilatéralement de l’Autorité palestinienne en terminant la construction de la barrière de séparation commencée en 2003, en annexant les blocs israéliens de peuplement et en démantelant les villages juifs isolés. Une telle politique comporte évidemment un risque sécuritaire puisque de l’autre côté du mur émergera évidemment une entité militarisée comme la bande de Gaza mais Israël a les moyens technologiques et militaires pour faire face à cette menace. En revanche, Israël n’a pas de réponse à la menace démographique en-dehors de la séparation unilatérale. C’est un scénario qui ne me réjouit pas mais, honnêtement, je n’y vois pas d’alternative. Si ce scénario à mon avis inévitable se réalise, Israël ne vivra pas en paix, mais israël vivra. C’est l’essentiel. Et comme l’a prouvée l’expérience de ces 60 dernières années, Israël peut réussir malgré l’absence de paix. Et ce n’est pas seulement ça, mais j’affirme que ce n’est pas l’économie israélienne qui a besoin de la paix, c’est la paix qui a besoin de l’économie israélienne.


UN DESTIN QUI DEPEND DU DYNAMISME ECONOMIQUE DE LA REGION ET DE LA FIN DU MONOPOLE PETROLIER

Qu’est-ce que je veux dire ? Israël a doublé la taille de son économie et accru sa population par cinq tout en menant six guerres. C’est un phénomène inconnu dans l’histoire économique du monde. Israël a la plus grande quantité et densité de start-up au monde, il y a plus de sociétés israéliennes cotées au Nasdaq que de sociétés européennes. Après les Etats-Unis, Israël a plus de sociétés cotées au Nasdaq que n’importe quel pays au monde dont la Chine et l’Inde. Qu’est-ce que je veux dire par là ? Que le rapport entre la paix et la croissance économique n’est pas du tout aussi simple et linéaire qu’on ne le pense. Et je crois que le cas d’Israël est là pour le prouver. Puisque l’armée israélienne, du fait de ses investissements dans la recherche et le développement militaire, a produit des percées scientiques avec des applications civiles mais également des ingénieurs de haut niveau qui sont devenus des entrepreneurs après avoir quitté l’uniforme. ce n’est pas un hasard si les star-up israéliennes les plus performantes ont été fondées par de jeunes Israéliens qui ont acquis leurs connaissances technologiques, leurs réseaux sociaux et leur force de caractère dans l’armée. Le géant du software Checkpoint est un exemple parmi d’autres de ce phénomène. Et même l’impact de la guerre sur la croissance économique ne va pas de soi. Entre l’année 2000 et l’année 2006, c’est-à-dire pendant qu’Israël menait une guerre sur le front de l’intifada, de la seconde intifada et la deuxième guerre du Liban, eh bien c’est pendant cette période que les investissements étrangers directs en Israël ont triplé. Et c’est pendant cette période que la part de l’économie israélienne dans le marché global du capital-risque a doublé. Et c’est en pleine guerre du Liban, en été 2006, que le célèbre investisseur américain Warren Buffet a acheté la société israélienne Iscar pour 4,5 milliards de dollars (c’est son premier investissement en-dehors des Etats-Unis et il ne l’a jamais regretté).

Donc la paix n’est pas une condition nécessaire et certainement pas suffisante pour assurer la croissance de l’économie israélienne. Cette croissance a été assurée jusqu’à présent parce qu’Israël a su tourner ses désavantages, dont l’absence de paix, en avantage. Par exemple, c’est parce qu’israël manque d’eau que la technologie israélienne est devenue un leader mondial dans l’irrigation au goutte à goutte et dans les techniques de dessalinisation. C’est parce que de Gaulle a imposé un embargo militaire après la Guerre des Six Jours qu’Israël a développé une industrie militaire de pointe qui elle-même est devenue l’incubateur de la haute technologie israélienne. Et c’est parce que l’économie israélienne souffre à la fois d’un marché intérieur minuscule et d’un environnement hostile qu’elle s’est tournée vers le marché international avec une haute valeur ajoutée. Et donc, c’est l’innovation et l’excellence technologique qui, en dernière analyse, sont au coeur du miracle économique israélien. A cela, bien sûr, il faut ajouter les réformes économiques nécessaires et courageuses qui ont été mises en place en 1985 par Shimon Peres lorsqu’il était Premier ministre et en 2003 par Benyamin Nethanyahu lorsqu’il était ministre des Finances. Ce sont deux vagues de réformes qui ont, en privatisant et en libéralisant l’économie israélienne, lui ont rendu son potentiel de croissance. 

En revanche de l’autre côté, on dit toujours que le temps joue contre nous, je veux bien regarder les données, quand on regarde dans le monde arabe, eh bien on a une image très différente. Avec une population totale de 300 millions d’habitants, le monde arabe exporte moins, évidemment si on enlève le pétrole, que la Finlande qui compte 5 millions d’habitants. Entre 1980 et 2000, l’Egypte a déposé 77 brevets scientifiques, la Syrie 20, la Jordanie 15, Israël 7652. Evidemment, il y a plusieurs explications à ce phénomène. Je pense que l’une de ces explications, est que le pétrole que l’on considère être une manne pour le monde arabe, est une malédiction pour le monde arabe. Pourquoi ? Parce que le monde arabe fournit presque le tiers de la production mondiale de pétrole et a bénéficié d’une croissance exponentielle de la demande en provenance de la Chine et de l’Inde ces dix dernières années. Encore une fois, on pourrait y voir une bénédiction, mais en réalité il s’agit pour le monde arabe lui-même d’une malédiction que les économistes appellent la malédiction des ressources naturelles. Pourquoi la malédiction des ressources naturelles en particulier dans le domaine pétrolier ? Parce que les revenus pétroliers sont le plus grand obstacle à la croissance économique et à la liberté politique. Pourquoi ? Parce que le pétrole crée des économies rentières qui découragent l’innovation, qui découragent la productivité et la diversification, et qui achètent le soutien politique au lieu de le mériter. Et ça n’est pas un hasard si ce sont les revenus pétroliers de la dernière décennie qui ont permis à Poutine de maintenir son pouvoir autoritaire en Russie et qui ont permis à Chavez de transformer le Vénézuela en une autocratie. C’est également à cause du pétrole que les Etats-Unis n’osent pas parler de droits de l’homme à l’Arabie Saoudite et que la Chine protège Khartoum et Téhéran au Conseil de sécurité de l’ONU.
Evidemment, le pétrole n’est pas la seule raison pour laquelle le monde arabe n’est pas libre mais, mais on ne saurait manquer de remarquer comme l’a d’ailleurs fait le célèbre journaliste américain Thomas Friedmann que le seul pays arabe qui a commencé à se libéraliser ces dernières années, est le premier pays arabe dans lequel l’épuisement imminent des ressources pétrolifères a été démontré, comme par hasard, ce pays c’est le Bahreïn. Même chose sur le plan économique : les économistes américains Jeffrey Sachs et Andrew Warner ont montré dans une étude empirique de 97 pays sur une période de près de deux décennies entre 1971 et 1989 que les pays riches en ressources naturelles ont une croissance économique plus faible que les pays qui n’ont pas ou peu de ressources naturelles. Le Nigéria par exemple a vendu 223 milliards de dollars de pétrole entre 1999 et 2007mais 70 % des Nigériens vivent avec moins de 1 dollar par jour. Et l’économie nigérienne est corrompue, elle n’est pas du tout diversifiée. La preuve, c’est que 90 % des exportations du Niégéria sont constituées de pétrole. Donc le pétrole est effectivement une malédiction et avant tout pour les pays exportateurs. Et je crois que mettre fin à cette malédiction peut contribuer, peut contribuer à la libéralisation politique et à la croissance économique du monde arabe.

Et c’est là qu’Israël a un rôle important à jouer pour améliorer les chances de paix en mettant fin au monopole du pétrole. La question bien entendu est de savoir si le rôle du pétrole dans l’économie mondiale est une fatalité. Et la réponse est non. Le pétrole aujourd’hui jouit d’un monopole dans les moyens de transport qu’ils soient aériens, terrestres ou maritimes et c’est à cause de ce monopole que l’économie mondiale est étroitement liée aux cours du pétrole et que les Etats-Unis ont mené deux guerres en Irak. Mais le monopole des ressources pétrolières ou des ressources naturelles peut être brisé. Je vous rappelle qu’avant l’invention des boîtes de conserves et la réfrigération, le sel jouissait d’un monopole mondial pour la préservation de la nourriture. Et le contrôle du sel était la cause de guerres et le cours du sel déterminait les fluctuations de l’économie mondiale.

De même que la science a brisé le monopole du sel, elle peut briser le monopole du pétrole. Ce monopole peut être brisé aujourd’hui grâce à l’usage de l’électricité et des biocarburants dans les transports. L’usage des biocarburants es ten train de se répandre dans les transports maritimes et aériens (je sais qu’il y a une controverse autour des biocarburants mais on n’est pas là pour en parler mais c’est simplement pour dire que cette controverse est en train de perdre sa pertinence parce que, avec ce qu’ion appelle la deuxième génération de biocarburants en particulier ceux produits par les microalgues, la contriverse est en train de perdre de sa pertinence et Israël est un leader mondial dans ce domaine). Mais dans le domaine des transports terrestres, l’électricité sera la réponse du futur tout simplement parce que les transports terrestres sont moins longs que les transports maritimes et aériens. Rappelons qu’historiquement les premières voitures étaient des voitures électriques mais ce sont les voitures à essence qui se sont répandues parce que ça prenait trop de temps de recharger les batteries électriques des voitures et que les distances parcourues étaient trop courtes. Mais là aussi le problème de la distance et du temps de rechargement a récemment été résolu par le partenariat de la socitété Better Place et Renault -Nissan ; d’abord, un chargement complet permettra de parcourir plus de 200 km mais surtout, des stations de remplacement des batteries seront répandues comme les stations essence et ça prendra moins de temps de remplacer la batterie que de faire le plein [ de carburant]. Et le coût de la batterie ne sera pas ressenti par le client puisque la batterie appartiendra à la société. Donc ce modèle révolutionnaire n’est pas utopique, il est en train d’être mis en place aux Etats-Unis et en Australie, au Danemark et en Israël. Et encore une fois, l’idée de cette société est une idée d’un entrepreneur israélien nommé Shai Agassi.
Donc la technologie israélienne peut contribuer à mettre fin au monopole du pétrole comme elle est en train de le faire et je pense que le jour où le monople du pétrole aura été brisé, les pays arabes exportateurs de pétrole n’auront d’autre choix que d’être plus innovants, plus productifs et d’être politiquement plus pragmatiques.

Mais il ne faut pas se tromper : le futur d’Israël ne dépend pas uniquement de succès économiques et matériels. Il dépend aussi et peut-être avant tout d’un retour aux sources identitaires et de ce que j’appelle une seconde révolution sioniste.


UN NECESSAIRE RETOUR AUX SOURCES IDENTITAIRES : DES ISRAELIENS CONTRE LE POSTSIONISME ET L’ANTISIONISME

De quoi je veux parler ? Prenez le fait par exemple que récemment, le gouvernement israélien, comme vous le savez, a soumis un projet de loi exigeant des citoyens naturalisés de faire un serment d’allégeance à Israël comme Etat juif et démocratique. Je pense que le simple fait que le gouvernement ait soumis cette loi au gouvernement prouve que le fait qu’Israël est un Etat juif ne va pas de soi. Imaginez si la France, demain, faisait passer une loi disant que la France est un Etat français ou que le Japon faisait passer une loi disant que le Japon est un Etat japonais. C’est évident. Evidemment, Israël n’est pas le seul pays dans le monde dans lequel il existe un débat sur l’identité nationale. Je n’ai pas besoin de vous expliquer, vous savez mieux que moi qu’il y a un tel débat en France depuis quelques mois et c’est un débat houleux.

Mais en Israël le débat ne porte pas seulement sur la signification de ce qu’est ou devrait être un Etat juif, mais également de la question de savoir s’il ne faudrait peut-être pas mettre fin à l’existence même d’un Etat-nation juif et de transformer cet Etat en Etat multiculturel, multinational. C’est ce qu’on appelle en Israël l’idéologie postsioniste ou antisioniste.

Et je crois que pour comprendre ce débat, il faut revenir 40 ans en arrière au moment de la Guerre des Six Jours. Lorsque Tsahal libéra Jérusalem et le Mont du Temple, le commandant des troupes parachutistes ,Motta Gur, prononça sur les ondes de la radio cette phrase qui est devenue éternelle : "le Mont du Temple est entre nos mains". Sur le coup, les Israéliens furent saisis d’émotion. Ceux qui eurent le privilège d’entendre cette phrase, furent les témoins vivants du retour à Sion après 2000 ans d’exil. Mais en réalité, les réactions furent partagées. D’un côté, vous aviez l’aumônier de Tsahal, le rav Shlomo Goren, qui sonna le Chofar au Kotel, au Mur des Lamentations. Et de l’autre côté vous aviez la réaction de Moshe Dayan, qui était alors ministre de la Défense, et qui se demanda à haute voix en contemplant le Mont du Temple depuis Harat Sofim, le mont Scopus, je cite : "Mais qu’est-ce qu’on a besoin de tout ce Vatican ?" Je prends ces deux réactions en exemple parce que ce sont deux réactions qui résument deux approches complètement différentes de ce qu’est la signification du sionisme.

Pour Shlomo Goren, le sionisme c’était tout simplement la réalisation de la promesse divine, biblique, la rédemption d’Israël, et la continuité de l’histoire juive. Tandis que pour Moshe Dayan, le sionisme c’était tout simplement une réponse au phénomène de l’antisémitisme et également une rupture avec l’histoire juive. Je vous rappelle que le but du sionisme socialiste des pères fondateurs était bien de mettre fin à la définition religieuse de l’identité juive et de redéfinir cette identité en termes purement ethniques, laïcs et culturels. Et bien que ces deux approches soient effectivement contradictoires, elles ont quand même une chose en commun : toutes deux partent du principe que les Juifs constituent un peuple à part entière et donc qu’ils ont droit à l’autodétermination comme tout autre peuple et comme c’est reconnu par le droit international.

Par conséquent, qu’ils soient religieux ou laïcs, les sionistes soutiennent tous le droit du peuple juif à disposer de lui-même, sur sa terre ou en tout cas sur une partie de sa terre. Et telle était bien l’idée de Théodore Herzl.

Dès le début Herzl a eu des opposants juifs de tous bords, en particulier auprès des intellectuels juifs allemands qui ne voulaient pas entendre de nationalisme juif. L’un d’entre eux était le philosophe Martin Buber, qui a fini par quitter l’Allemagne cinq ans après l’accession des nazis au pouvoir, et qui s’est installé à Jérusalem, où il devint professeur à l’Université hébraïque. Martin Buber était fermement opposé à l’établissement d’un Etat-nation juif. Il militait pour l’établissement d’un Etat binational entre Juifs et Arabes. Vous me direz que Marin Buber était minoritaire à l’épque, mais il n’était pas le seul et son rôle était important puisque c’est lui qui, avec ses collègues de l’époque, en particulier le président de l’Université hébraïque de Jérusalem, à l’époque Yehuda Magnes, qui a façonné le système universitaire israélien. Et l’influence des Juifs allemands à l’époque dans le Yichouv, ce qu’on appelle la communauté juive du mandat britannique, n’était pas limitée aux universités puisqu’ils constituaient en réalité l’élite intellectuelle du Yichouv et ils sont devenus influents également à la Cour suprême et dans les médias. Le premier président de la Cour suprême, Moshe Zmora, était un pur produit du système universitaire allemand. Quant aux média, c’est l’homme d’affaires Zalman Shockel qui racheta le journal Haaretz en 1937, et qui nomma son fils Gershom rédacteur en chef en 1939, poste qu’il a gardé jusqu’à sa mort en 1990. Et qui aujourd’hui est occupé par son fils Amos. Mais cette trilogie de l’élite intellectuelle israélienne Université-Médias-Cour suprême était donc à l’origine culturellement allemande et politiquement universaliste. Quant au leadership national du Yichouv à l’époque, et ensuite de l’Etat d’israël, il était nationaliste, socialiste et laïc. Il y avait une espèce de guerre de pouvoir entre Juifs allemands et Juifs russes alors même que le peuple lui-même, en particulier le peuple issu de l’aliya orientale, était exclu des centres du pouvoir.

Et la tragédie d’Israël aujourd’hui est que les universités, le journal Haaretz et la Cour suprême sont contrôlés par une toute petite élite qui est héritière intellectuellement de ces Juifs allemands, universalistes, et que cette élité aujourd’hui en Israël est de plus en plus postsioniste, voire antisioniste. Et cette élite a une influence énorme sur la vie politique et culturelle du pays. Et le postsionisme et l’antisionisme ne sont plus du tout en Israël des mouvements marginaux. malheureusement, la liste est très longue, mais juste pour vous montrer jusqu’où c’est arrivé aujourd’hui, vous avez un ancien président de la Knesset, et de l’Agence juive, Avraham Burg, qui passe son temps à militer, à militer pour mettre fin à l’existence d’Israël comme Etat-nation juif entre autres en annulant la loi du Retour. En France, vous connaissez sans doute ce professeur à l’université de Tel-Aviv Shlomo Sand qui fait le tour du monde pour dire qu’il n’y a pas du tout de peuple juif et qu’en fait s’il n’y a pas de peuple juif, il ne faut pas d’Etat juif, il n’y a aucune raison d’avoir un Etat pour un peuple qui n’existe pas. Ou dans les média, dans le journal Haaretz, vous avez ce journaliste Gideon Lévy qui écrit des articles qui regorgent de haine, de haine à l’égard d’Israël. Et bien entendu, la liste est beaucoup plus longue mais ça n’est pas mon propos.

Mon propos, c’est que si Israël aujourd’hui est en danger, ça n’est pas seulement à cause de l’Iran, ça n’est pas seulement à cause du Hezbollah, ça n’est pas seulement à cause du Hamas, mais c’est surtout et avant tout à cause de nos ennemis de l’intérieur. Et une partie grandissante de l’élite intellectuelle du pays fait tout pour délégitimer l’Etat juif pas seulement envers l’opinion internationale, mais aussi envers l’opinion israélienne. Et c’est là que le combat doit être mené si nous voulons assurer le futur d’Israël. La tâche peut paraître énorme mais je pense que si nous avons réussi à reconstruire notre pays envers et contre tout, j’imagine que nous pouvons le défendre, le préserver et le faire progresser envers et contre tout. Je suis optimiste.

Je suis optimiste parce que de plus en plus d’Israéliens se révoltent contre le terrorisme intellectuel des postsionistes et des antisionistes. D’abord, bonne nouvelle, le cartel journalistique Haaretz-Yedioth Ahronoth-Maariv a été récemment brisé par un nouveau journal qui s’appelle Israël Hayom, qui est fièrement sioniste, et qui est de plus en plus lu. Ensuite vous avez ce groupe satirique Latma qui fait des pieds de nez aux média israéliens et qui s’est rendu célèbre au moment de la flotille, si vous avez vu sur YouTube avec sa parodie de "We are the world" que je recommande fortement si vous ne l’avez pas encore vue. Mais surtout, il y a ce mouvement qui s’appelle Im Tirtsou, qui a été formé par des étudiants et des soldats de réserve après la seconde guerre du Liban, et qui est en train de faire la révolution en Israël. La révolution sioniste. Une révolte contre le postsionisme et l’antisionisme rampants. C’est par exemple Im Tirtsou qui a révélé récemment que c’est un fonds israélien qui s’appelle Keren Khadasha Israël (?) qui a financé toutes les organisations qui ont témoigné contre Israël dans le rapport Goldstone. C’est un fonds israélien. C’est Im Tirtsou qui a rendu public le fait que 80 % des professeurs du département de sciences politiques de l’université de ben Gourion, de Ben Gourion à Beersheva, ont tous signé des pétitions pour en appeler au boycott international d’Israël. Et vont dans le monde entier pour donner des cours qui disent qu’Israël est un Etat d’apartheid etc. Ces gens sont financés par le contribuable israélien et par des donateurs juifs américains, européens, français etc. C’est Im tirtsou qui rappelle au peuple d’Israël qu’il faut se réveiller en répétant la phrase de Herzl : "Si vous le voulez, ça n’est pas un rêve". Et personnellement j’ai décidé de m’engager auprès de cette association héroïque et lui apporter le soutien des Juifs de la diaspora. J’y vois une mission d’intérêt national juif, et je vous invite à vous y joindre vous aussi.
(...)


CONCLUSION

Le droit du peuple juif à la terre d’Israël est inébranlable puisque nous avons un titre de propriété notarié (...). Je vous rappelle qu’Avraham a acheté, a payé pour le tombeau de Sarah alors même que la terre de Canaan lui avait été promise. Les Juifs de notre génération ont payé avec leur vie, avec leur sacrifice et avec leur travail pour construire leur pays. Et personne n’est en droit de nous retirer ce qui nous appartient et ce que nous méritons.

Il faut être courageux, avoir de l’audace et avoir la foi. C’est ce qu’a fait Rebecca lorsqu’elle a accepté de quitter sa famille pour aller épouser Isaac, ce qui était à l’époque l’autre bout du monde, alors qu’elle ne le connaissait ni d’Eve ni d’Adam. Elle savait que sa décision était la bonne et elle a eu le courage de franchir le Rubicon.

La réconciliation est possible puisque les frères ennemis qu’étaient Isaac, ancêtre des Juifs, et ismaël, ancêtre des Arabes, se sont retrouvés dans la dignité et la fraternité pour enterrer leur père Abraham.
Le droit des Juifs à la terre d’Israël scellé par Abraham, la foi dans l’avenir symbolisé par Rébecca, et la réconciliation entre Isaac et Ismaël doivent nous servir d’exemple. Je crois que si nous suivons ces trois exemples, peut-être pourrons-nous servir nous-mêmes d’exemple à l’humanité et réaliser la prophétie de Theodor Herzl : "le monde sera libéré par notre liberté, enrichi par notre richesse et grandi par notre grandeur".

Emmanuel Navon

Transcription par CS (ex Arthur Decaen sur le blog "Plaidoyer pour Israël")


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